De retour au pays après deux semaines de relâche de blog. Si vous me suivez sur facebook, vous avez été tenus au courant de nos déplacements récents. Sinon, les prochains articles seront à thématique colombienne et vous mettront à jour sur tous les aspects de ce voyage. Et ça commence tout de suite avec la sécurité en Colombie.
Avant tout, je voudrais préciser que ce texte est calqué sur mon tout premier article de blog, publié il y a presqu’un an. Il portait sur la Jordanie, que j’ai visitée au même moment l’an dernier et qui, comme la Colombie (mais pour des raisons différentes), soulevait des questionnements au niveau de la sécurité d’y voyager par soi-même. Vous pouvez le consulter ici.
Alors, à l’heure qu’il est, je reviens tout juste d’un voyage de seize jours dans un pays d’Amérique du Sud qui, dans l’imaginaire collectif, est loin d’être synonyme de vacances calmes et paisibles. Avant mon départ, des connaissances de divers horizons m’ont interrogé sur l’endroit de mon prochain voyage et presqu’à chaque fois, ça donnait quelque chose comme ça :
-Famille/collègue/ami(e) : Où tu vas cette fois-ci?
-Moi : En Colombie!
-Eux (enthousiastes) : Ah cool, en Colombie-Britannique?
-Moi : Non, en Colombie. Colombie, en Amérique du Sud là.
-Eux (moins enthousiastes) : Ah ouais? T’as pas peur? En tout cas, soyez prudents hein …
Être prudent. C’est aussi ce que le gouvernement du Canada m’a conseillé, par le biais de son site d’avertissements aux voyageurs. La Colombie (tout comme la Jordanie d’ailleurs) est associée à la mention « Faire preuve d’une grande prudence », avec l’emphase sur certaines régions à éviter, comme par exemple les frontières. Personnellement, c’est la limite que je me suis donnée. Tant que le gouvernement fédéral ne me déconseille pas carrément une destination, j’y vais sans crainte, mais toujours avec prudence, évidemment.
Chaque peuple a son histoire, ses tabous, ses squelettes dans le placard. En Colombie, l’éléphant dans la pièce, c’est la cocaïne. En fait, c’est pas juste un éléphant. C’est un troupeau d’éléphants au complet avec le reste de la savane: girafes, zèbres, lions, gazelles, hippopotames et compagnie. La mauvaise réputation du pays ne vient pas de nul part, elle s’explique par son sombre passé. Par contre, elle n’est plus tout à fait d’actualité, voici donc un bref résumé de la situation d’alors et d’aujourd’hui.
Au cours des décennies 1970, 80 et 90, le trafic de stupéfiants, contrôlé par de puissants cartels dont ceux de Medellín et de Cali, a plongé le pays dans une violence sans nom, faisant des milliers de victimes directes ou indirectes. À un point tel que Medellín était anciennement la ville la plus dangereuse au monde. La mort de Pablo Escobar en 1993 n’a guère arrangé les choses, faisant place à une espèce de course à la chefferie sanguinaire et sans considération pour les victimes collatérales, à savoir qui prendrait sa place à la tête du cartel le plus puissant du pays.
Encore aujourd’hui, c’est un sujet extrêmement sensible en Colombie, et particulièrement dans la ville de Medellín. Sans exagérer, on peut dire que Pablo Escobar est à Medellín ce que Voldemort est à Poudlard. Il est fortement déconseillé de prononcer son nom haut et fort dans un lieu public où les passants sauraient de qui vous parlez, sans comprendre les propos que vous tenez. Il en va de même pour les mots «cocaïne », « drogues », « cartel », « Narcos », etc.
Les gens qui travaillent dans le tourisme, eux, n’ont pas le choix d’aborder le sujet à cause de la curiosité des visiteurs, particulièrement depuis la diffusion de la très populaire (et romancée!) série Narcos. Un de nos guides a éloquemment résumé la situation en disant: « Pablo Escobar est mort en 1993. Pendant vingt ans, on n’en parlait pas. Puis, Netflix arrive et soudainement, le monde entier en parle ». Il souhaitait utiliser cette opportunité pour remettre les pendules à l’heure auprès des étrangers qui auraient une vision erronée du personnage.
Au-delà des cartels de narcotrafiquants, une situation politique très complexe s’est développée en Colombie, mettant en scène des formations paramilitaires côté cour (la principale étant l’Autodefensas Unidas de Colombia ou AUC) qui combattaient des groupes de guérillas communistes côté jardin (le plus connu étant les Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia ou FARC) dans une production théâtrale d’horreur grandeur nature. Le genre de pièce dont personne ne veut être spectateur, mais dans laquelle, tristement, énormément d’innocentes victimes ont tenu le rôle de « celui qui meurt à la fin ».
En 2003, l’Ejército de Liberación Nacional (ELN), un autre groupe rebelle d’extrême gauche, a kidnappé huit touristes à la Ciudad Perdida, un site archéologique accessible seulement par plusieurs jours de marche dans la jungle. Les otages ont été maintenus captifs pendant plus de cent jours, en réclamation d’une enquête sur les violations de droits de la personne en Colombie. Le site a alors cessé ses activités touristiques ainsi que les fouilles archéologiques.
Ville la plus dangereuse du monde, crise politique, violence omniprésente, kidnapping de touristes innocents… évidemment qu’avec tout ça, on comprend les appréhensions à voyager en Colombie. Cependant, depuis quelques années, la situation s’est complètement métamorphosée. Un accord de paix a été signé entre le gouvernement et le FARC, Ciudad Perdida, ouverte à nouveau aux visiteurs depuis 2005, est désormais sous la surveillance constante de l’armée colombienne et Medellín est devenue un exemple d’innovation grâce à son programme de transformation de la ville.
Meilleur accès aux services publics, restauration du patrimoine et instauration de moyens de transports efficaces et abordables pour tous, voilà quelques facettes du renouvèlement de cette métropole. Peu à peu, des bibliothèques et des terrains de jeux sont venus améliorer les quartiers les plus démunis de la ville. Des bâtiments historiques, jadis laissés à l’abandon aux mains des squatteurs, ont été restaurés et dotés de vocations aussi importantes que symboliques. Des coins douteux de la ville ont été revampés et des refuges ont été mis sur pieds pour accueillir et offrir de l’aide aux personnes dans le besoin.
La Plaza de Cisneros présente un exemple patent de cette initiative avec le projet « Medellín es luz, un poem urbano » (littéralement : Medellín est lumière, un poème urbain) et sa forêt de bambous et de pôles lumineux achevée en 2005. Les téléfériques inaugurés en 2004 en extension du métro dans les montagnes, brisent quant à eux l’isolement de secteurs défavorisés en permettent aux habitants des quartiers haut perchés de rejoindre le centre-ville plus rapidement que jamais.
Contrairement à l’an dernier, je n’avais pas vraiment de remise en question en m’envolant pour la Colombie. Mais tout comme l’an dernier, j’ai à nouveau une histoire d’autobus qui m’a confirmé que j’avais raison d’être confiante. En quittant l’aéroport, nous avons trouvé un autobus indiquant « centro » comme destination et avons monté à bord un peu hâtivement… pour me rendre compte, une fois à l’intérieur, que je n’avais que des billets de 50000 pesos (équivalent à un peu plus de 20$) pour payer nos deux passages qui coutaient à peine 3000 pesos.
Le chauffeur a pris mon billet, mais il m’a fait comprendre que je devais patienter pour obtenir mon change. Je me suis donc assise juste derrière lui et je l’observais accumuler les billets de 2000 pesos au fur et à mesure où des gens entraient, dans le but de me les remettre lorsqu’il en aura suffisamment. Éventuellement, il m’a tendu une énorme pile d’argent, complétant ainsi notre transaction. Il ne lui restait cependant plus grand-chose pour les prochains clients qui auraient hypothétiquement besoin de petites coupures.
L’hypothèse s’est rapidement avérée et c’est alors que les gens se sont mis à me payer moi pour que je remette la somme exigible au chauffeur et leur rende le surplus. J’ai accueilli mon nouveau rôle d’intermédiaire avec humour et j’ai accompli cette tâche pendant tout le trajet avec assiduité. Mais ce qui m’épatait, c’était que, naturellement, les gens faisaient confiance. Ils tendaient leurs 10000 ou 20000 pesos à une étrangère avec la banale conviction que j’agirais de façon honnête et que je n’essayerais pas de les flouer. Bon ce n’était pas de grosse somme, mais tout de même.
Tout au long du voyage, j’ai vu le même principe s’appliquer de différentes façons. Quelqu’un entre dans un minibus bondé avec des bagages et les autres passagers prennent ses valises sur eux le temps du trajet, puis le propriétaire reprend ses effets personnels arrivé à destination. Un bambin a de la difficulté à montrer les trois grandes marches pour entrer dans l’autobus et un inconnu le prend dans ses bras pour l’aider. J’entre dans les bureaux d’une agence touristique et il y a un chien qui dort paisiblement par terre. Je demande: « who’s dog is it? » et l’employé me répond: « we don’t know, but he comes here everyday at the same time».
C’est comme si tout est un peu commun, un peu à tout le monde en même temps. Juste de la bienveillance, partout et en tout temps. De quoi nous remettre notre société individualiste dans la face.
Bien entendu que certaines problématiques demeurent en Colombie, mais le pays est définitivement sur la bonne voie. Depuis quelques années à peine, des voyageurs précurseurs commencent à affluer et le tourisme s’y développe. Le pays déborde d’endroits intéressants à visiter et il n’y a jamais eu de meilleur moment pour y aller.
Si vous voyagez en Colombie, votre plus gros problème sera probablement la barrière de la langue (à moins de parler couramment l’espagnol), puisque peu de gens parlent anglais. Ou alors ce sera peut-être de comprendre l’harmonieux chaos des transports en commun, de combattre la chaleur infernale de la côte Caraïbes ou de subir les effets secondaires indésirables de votre médication anti-malaria. Devoir faire des choix déchirants parmi toutes les options à mettre sur votre itinéraire peut aussi être un gros problème en Colombie. Mais votre plus gros problème, ça ne sera pas la sécurité.
Colombie, bravo pour la résilience exemplaire dont tu fais preuve à travers chacun des sourires accueillants, chacune des initiatives de reconstruction du pays et par cette propension disproportionnée à vouloir chanter, danser et faire la fête en permanence. Gracias pour ta fierté, tes surprises, ton café et ton incroyable diversité qui fait qu’on repart avec l’impression d’avoir visité plusieurs pays en un.
Et surtout, merci de m’avoir donné raison d’y être allée. Ciao.
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