Cette anecdote, des plus savoureuses, a eu lieu à la toute fin de mon voyage en Asie du Sud-Est, à l’été 2011. Pour introduire correctement l’histoire, je dois faire un petit préambule avec ce qui s’est passé au tout début de ce même voyage.
En arrivant à Bangkok, une des premières choses que nous avons faite est de se rendre dans une agence de voyage afin de planifier nos prochains déplacements. Je dis « agence de voyage », mais la chose était plutôt informelle. En Asie du Sud-est (du moins, avant l’avènement massif des téléphones intelligents et des tablettes), il y avait beaucoup de petits commerces par-ci, par-là, qui vendaient des billets d’avion et c’était, semble-t-il, honnête. Notre chauffeur de tuk-tuk nous avait conduit jusqu’à un de ces endroits (possiblement appartenant à un de ses amis/membres de sa famille) et nous y avions acheté nos billets de train vers le nord de la Thaïlande, de bateau pour une croisière sur le Mékong vers le Laos, de même que nos billets d’avion pour notre retour à Bangkok depuis Denpasar, deux mois plus tard. Fin du préambule.
Deux mois plus tard, notre voyage tirait à sa fin. Rendu là, j’avais eu le temps d’avoir le mal du pays, avant la fois où nous avons troqué notre auberge jeunesse pour une villa à Bali. Il était temps de retourner à Bangkok pour prendre notre vol de retour vers Montréal (en fait, vers Helsinki d’abord, puis New York ensuite et enfin Montréal). Nous avions prévu une dernière journée en transit dans la capitale Thaïlandaise, ce qui nous laisserait le temps de visiter ce que nous n’avions pas eu le temps de voir la première fois.
Une fois rendus à l’aéroport de Denpasar, il semblait y avoir un problème avec nos billets d’avion. L’employée de la compagnie aérienne faisait des recherches dans son système informatique et parlait en balinais avec ses collègues pour finalement nous dire que nous avions manqué notre vol. En fait, nous étions en retard d’un mois. Nous avons alors appris que, bien que le papier que nous avait remis l’agence indiquait la bonne date, apparemment, la réservation avait été faite pour un mois auparavant. L’employée nous a informés que nous pouvions acheter des nouveaux billets d’avion pour ce vol-ci ou celui du lendemain, mais qu’à si courte échéance, le prix était plus dispendieux. Le seul petit hic, c’est qu’après huit semaines à se promener à travers six pays asiatiques, nous n’avions plus assez d’argent pour en acheter d’autres, billets.
Nous avons alors décidé d’appeler mon beau-père pour qu’il nous vienne en aide à distance. Il était midi là-bas et donc minuit à Montréal. Après plusieurs vaines tentatives, il a finalement répondu. Mon mari lui a expliqué notre problème et donné toutes les informations requises pour l’achat de nouveaux billets d’avion. Puis, il a raccroché et nous nous sommes rendus dans un café internet (i.e. endroit désormais désuet où les voyageurs se rendaient jadis pour avoir accès à un ordinateur connecté à internet, moyennant un tarif horaire) et puis, nous avons attendu de recevoir par courriel nos billets d’avion pour le lendemain. Ah oui et, juste pour rajouter une couche de « broche à foin » à cette histoire, le café internet en question n’avait pas d’imprimante, alors nous avons dû prendre un bout de papier (ou était-ce une napkin?) pour noter le numéro de confirmation et espérer que ça soit suffisant.
Rassurés, nous sommes partis se louer une chambre d’hôtel près de l’aéroport et nous avons regardé des films pour passer le temps d’ici là. Au programme: classiques d’enfance (Le roi Lion et La petite sirène) et de Jim Carrey (Ace Ventura et The Truman Show), choix arbitraires du moment.
Le lendemain, nous sommes partis prendre notre vol et heureusement, tout s’est bien passé. On pourrait alors penser que l’anecdote s’arrête ici, mais non, car une fois rendus à Bangkok, les péripéties reprirent de plus belle. Après tout, nous avions payés pour des billets que nous n’avons pas pu utiliser. Notre expérience jusqu’alors nous avait démontré qu’en Asie du Sud-Est, plus souvent qu’autrement, le service à la clientèle était directement proportionnel au budget dont dispose ledit client et le service après-vente presque inexistant. Nous n’avions pas grand espoir de dédommagement, mais nous nous devions d’essayer quelque chose.
Pendant notre vol Denpasar-Bali, nous avons élaboré un plan d’action dans lequel mon mari allait se rendre à l’agence de voyage qui nous avait vendu les « faux-billets » pour réclamer notre dû, pendant que je l’attendrais à l’aéroport avec les bagages. C’est un schéma qui se représente ponctuellement lors de nos voyages et jusqu’à maintenant nous avons eu un pas pire taux de succès avec ce modus operandi.
Premier obstacle rencontré, nous devions retrouver l’adresse de l’endroit en question. C’est là que j’ai eu ce que je croyais être un éclair de génie en me souvenant que c’était à côté d’une gare. En demandant à un comptoir des directions vers « la gare de Bangkok », nous avons appris qu’il y a beaucoup plus qu’une gare à Bangkok. Je ne me souviens plus du nombre, mais c’était probablement plusieurs dizaines de gares différentes, situées un peu partout dans la ville. Celle que nous cherchions était minuscule, même pas de bâtiment, juste deux ou trois rangées de rails avec un semblant de plateforme en bois. Impossible de la retrouver ainsi.
Deuxième tentative; mon époux a la (habituellement) fâcheuse manie de tout garder en voyage: chaque reçu d’hôtel, tickets d’entrée, billets d’autobus, carte d’affaires que l’on collecte au fur et à mesure de nos visites. Eh bien, cette fois-ci, ça s’est avéré très utile. Nous avons passé au peigne fin tous les documents qu’il avait conservés dans les deux derniers mois. Le pire, c’est qu’ils n’étaient pas nécessairement tous rangés au même endroit dans ses bagages. Des heures de plaisir. Finalement, nous l’avons retrouvé, le tant attendu bout de papier reconnaissable au nom du vendeur écrit à la main dessus : Mow Mow (impossible de l’oublier, car c’était comme ça que nous surnommions notre chat de l’époque, Feu Mowgli).
Nous avions enfin l’adresse de l’endroit qui nous avait possiblement semi-fraudé (innocent jusqu’à preuve du contraire). Ne restait plus que mon mari s’y rendre, demande un remboursement et revienne à temps pour prendre notre autre avion. De mémoire, nous avions plus de huit heures de transit, alors amplement de temps pour qu’il fasse l’aller-retour. Il est donc parti en métro dans Bangkok, cette ville étrangère de plus de huit millions d’habitants, et moi je l’attendais avec nos bagages et aucun moyen de le joindre. Tout allait selon le plan.
Je l’ai attendu ainsi plusieurs heures. À un moment donné, je suis allée en expédition pour trouver des toilettes et une fois, je suis allée manger un sandwich chez Subway. Puis finalement, je l’ai vu arriver au loin. J’avais hâte de savoir s’il avait réussi sa mission. Ce qu’il m’a expliqué, c’est que l’agence avec qui nous avions fait affaires n’achetait pas elle-même les billets d’avion, mais téléphonait plutôt à une tierce partie qui avait un ordinateur pour faire la réservation… Lorsque mon mari s’est présenté et a expliqué la situation, l’employé en charge a voulu savoir si c’était leur faute ou celle de l’intermédiaire entre la compagnie aérienne et eux, dans le but de déterminer qui devrait nous rembourser. Il a alors entreprit de retracer l’appel pour identifier qui s’était trompé dans la date lors de la transaction. Pour ce faire, il devait imprimer toutes les conversations téléphoniques sur du papier continu (vous savez, le papier des années 80 plié en accordéon avec des petits trous sur les côtés). Vous comprendrez que remonter jusqu’au jour de notre visite, deux mois plus tôt, a occasionné un certain délai.
Au final, nous avons eu droit à un dédommagement d’un tiers du prix que nous avions payé initialement. Pourquoi un tiers? Aucune idée, mais je pense rendu là, voyant le temps passer, mon mari a dû se dire que « un tiers tien vaut mieux qu’un tu l’auras ». Il voulait passer à autre chose et moi j’étais contente de le voir revenir à temps, parce que je commençais à me questionner sur ce que je devrais faire s’il n’arrivait pas à l’heure pour l’autre avion (devais-je l’attendre et manquer mon vol ou embarquer dans l’avion et espérer qu’il me rejoigne plus tard?) Ce dilemme est resté sans réponse et c’est tant mieux.
C’est presque deux jours plus tard, après nos multiples escales, que nous avons retrouvés nos proches à l’aéroport Montréal-Trudeau. Amis et famille s’étaient réunis pour l’occasion, à l’exception de Mow Mow qui nous attendait à la maison (le chat, pas le vendeur de voyage Thaïlandais). Plusieurs leçons ont été retenues de ce fait vécu. Prévoir un coussin monétaire pour les urgences, afin d’éviter d’appeler son parent en panique au milieu de la nuit depuis l’autre bout du monde, en est une.
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