La Jordanie, ce pays au nom évocateur en fait rêver plusieurs, mais en effraie beaucoup d’autres aussi, en raison de sa situation géographique. Il faut dire que partager ses frontières avec la Syrie, l’Iraq, l’Arabie Saoudite et Israël, c’est être aux premières loges du conflit israélo-palestinien, à deux pas d’une guerre civile, au beau milieu d’un « croissant fertile » de menaces constantes. Disons simplement que ce n’est pas tout à fait ce qu’on appelle un voisinage paisible. Alors, la question se pose de façon légitime: est-ce dangereux de visiter la Jordanie ?
Avant de choisir cette destination, je me suis renseignée. Beaucoup. Un bon moyen d’évaluer si un endroit qu’on souhaite visiter est sécuritaire ou non est de consulter le site du gouvernement du Canada. Il répertorie chaque pays selon quatre degrés de risques : prenez des mesures de sécurité normales, faites preuve d’une grande prudence, évitez tout voyage non-essentiel et le dernier, évitez tout voyage. La Jordanie est au deuxième niveau, au même titre que la France, la Belgique et le Royaume-Uni d’ailleurs. Personnellement, je suis à l’aise avec ça. Il est également recommandé de se tenir loin des frontières et des camps de réfugiés, qui font l’objet d’avertissements régionaux. J’ai aussi consulté différents blogs de voyageurs ayant mis les pieds en Jordanie pour connaître leurs expériences personnelles ainsi que des articles de journaux portant sur la situation géopolitique de la région. Bref, j’ai fait mes devoirs! Tout portait à croire qu’il était sécuritaire de visiter ce pays, en prenant bien sûr quelques précautions (lire mon article Planifier un voyage en Jordanie – Trucs et conseils pratiques) et en évitant certaines zones sensibles. Autrement dit, il n’y avait pas de crainte à y avoir si on faisait preuve de « gros bon sens ». Le résultat de mes recherches m’ayant rassurée, mon mari et moi sommes rapidement devenus les heureux propriétaires de billets d’avion Montréal-Amman!
Dans les semaines qui ont suivi, mon départ imminent pour la Jordanie a beaucoup fait réagir autour de moi. La quasi-totalité des gens avec qui j’en ai parlé m’ont exprimé différents degrés d’inquiétude et/ou d’incompréhension. Beaucoup m’ont mise en garde du danger. Certains ont pensé que c’était fou de s’aventurer dans cette région du globe.
Tous ces commentaires ont fait leur bout de chemin dans mon esprit. Si bien, qu’en faisant mon sac la veille de mon départ, plusieurs questionnements ont fait surface: et si c’était eux qui avaient raison? Ce voyage était-il vraiment une bonne idée? Est-ce que ma quête d’aventure m’amenait trop loin cette fois?
Le jour J arrive et je m’envole avec une petite fébrilité inhabituelle, différente de mes décollages précédents. Le fait d’être une minorité visible à bord de ce vol Royal Jordanian n’a rien de rassurant, à croire que nous sommes les deux seuls touristes à se risquer dans ce coin du Moyen-Orient… Puis, l’avion se pose et nous entrons dans le Royaume Hashémite de Jordanie.
En sortant du terminal, nous cherchons l’autobus pour nous rendre au centre-ville d’Amman. Un jeune homme allant dans la même direction que nous remarque notre confusion et nous offre son aide en anglais. Jusque-là, c’est d’une gentillesse que je qualifierais de raisonnable, quelque chose auquel on assiste à plusieurs endroits dans le monde. Malgré tout, heureusement qu’il était là, car le bus en question s’est avéré être un minivan sans affiche officielle et donc, assez facile à manquer. À l’intérieur, encore une fois, que des locaux, pas d’autres touristes que nous deux. Je me souviens avoir eu des sentiments partagés à ce moment-là. C’était un privilège de pouvoir découvrir un pays épargné du tourisme de masse, mais en même temps, je ne pouvais m’empêcher d’avoir un peu d’appréhension pour la suite. Après plusieurs minutes, le bus se vide sur un bord de route. En descendant, le jeune homme nous souhaite bon voyage. Ça ne ressemble pas à une station de bus, nous hésitons donc à sortir et lui demandons conseil. Là, il en donne plus que le client en demande; il répond à nos interrogations, puis, nous propose spontanément de nous donner son numéro de téléphone, au besoin. Ça, ça n’arrive pas souvent. En fait, ça ne m’était jamais arrivé qu’un total inconnu (qui ne travaille pas dans le tourisme) offre de le contacter n’importe quand durant un séjour, simplement parce qu’il souhaite qu’on passe un bon moment dans son pays. C’est le premier Jordanien que nous avons rencontré à l’extérieur de l’aéroport. Et, en y repensant, j’ai l’impression qu’il incarne, en quelque sorte, toute l’hospitalité de son pays. Ce voyage commençait bien.
Au cours des deux semaines suivantes, notre itinéraire nous a mené à traverser le pays du nord au sud, s’arrêtant ici et là pour découvrir les multiples trésors de la Jordanie. À aucun moment durant notre séjour je n’ai pensé être en danger. Dépaysée parfois, observée de temps à autres, mais jamais en péril. Les divers points de service de la police touristique repérés un peu partout sur le territoire nous rappelaient que cette ressource était à notre disposition si une situation menaçante venait à se présenter, ce qui n’est pas arrivé. À plusieurs reprises, nous avons croisé d’autres voyageurs venus de différents horizons; un couple belge dans la quarantaine, un globetrotteur de Seattle en plein tour du monde, un trio d’étudiants européens en échange à Israël. Chaque fois, ces questions surgissent : « Why Jordan? What made you come here? ». Il semble évident que c’est une destination quelque peu hors-norme. Mais tous s’entendent pour dire qu’on se sent bien ici et que le pays a beaucoup à nous offrir. (Lire mon article Quoi faire en Jordanie – Un itinéraire d’Amman à Aqaba)
Alors, est-ce sécuritaire d’aller en Jordanie ? Il serait facile de simplifier la réponse à cette question en affirmant que de nos jours, y’a du danger partout et qu’on n’est jamais vraiment à l’abri de toute façon. C’est vrai qu’on n’est jamais totalement en sécurité peu importe où on se trouve dans le monde (incluant chez-soi en passant). Cependant, il ne faut pas négliger le fait que certaines zones de cette planète sont plus risquées, que ce soit en raison d’une instabilité politique, d’un taux de criminalité élevé, d’une météo imprévisible, de conditions sanitaires déficientes, etc. La réalité, c’est que chaque destination comporte une part de risque plus ou moins élevée et que chaque voyageur démontre un niveau de tolérance au risque plus ou moins grand. L’important, c’est d’être au courant des dangers potentiels, de prendre ses précautions et de voyager de façon responsable. Personnellement, je pense que le plus grand risque serait de me priver de visiter un endroit dont je rêve en me basant uniquement sur des idées préconçues ou des ouï-dire.
Jordanie, merci pour tous tes « You are welcome here ». Shukran pour toutes tes tasses de thé trop sucrées, tes paysages extraterrestres, ton histoire des plus riches et tes blagues de bédouins. Ce fut un plaisir de te connaître.

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